Sur le plan de la capacité de production d’électricité, le Sénégal demeure un petit acteur dans les pays concernés par le JETP. Alors que les autres pays dépassent les 70 GW (70 000 MW) de capacité électrique installée, le Sénégal peine à dépasser les 2 GW (2 000 MW). Son Plan de Transformation 2050, qui envisage une mise à disposition de 12 GW, soit 12 000 MW, avec 40?% d’énergie renouvelable, semble modeste et peu ambitieux au regard des ressources énergétiques dont dispose le pays. Le gaz naturel, une source d’énergie de transition, combiné aux énergies renouvelables, pourrait permettre au Sénégal d'atteindre cette capacité électrique de 12 GW bien avant 2050, mais plutôt dès 2035, avec une politique énergétique ambitieuse et un engagement fort vers l’industrie durable.
C’est tout le questionnement que l’on se pose sur le JETP Sénégalais : A quoi cela sert véritablement ?
Si son objectif est de remplacer les sources fossiles par des sources propres avec de modestes rajouts de capacité électrique sur notre parc de production , alors cela représente un manque d'ambition flagrant pour un pays qui aspire à devenir industriel. En effet, un plan stratégique industriel solide repose avant tout sur une électricité massive, compétitive et fiable, qui est l'un des moteurs principaux du développement. Ceux qui détiennent actuellement les clés du destin du pays doivent impérativement nous éclairer sur la vision stratégique de l'électricité dans le cadre de la participation du Sénégal au JETP. Le montant alloué par cet accord – soit 2,5 milliards d'euros (accord conclu en juin 2023 sous l’ancien régime) – soulève également une interrogation fondamentale et légitime : s'agit-il d'un prêt ou d'un don ? Cela a une importance capitale pour la gestion de notre souveraineté énergétique et la pérennité des investissements. Partout on note une certaine agitation et une débordante frénésie autour du JETP Sénégalais, mais avons-nous véritablement compris les véritables enjeux pour éviter le piège du ghetto des énergies renouvelables comme le solaire au Sénégal. La première chose que les nouvelles autorités devraient faire est de procéder à l’état des lieux de cet énorme montant reçu et de préciser sa nature (part prêt , part don , part subvention ) .
Notre devoir en tant qu’expert est de donner la bonne information et d’alerter. Les énergies renouvelables doivent certes constituer une force pour un pays comme le Sénégal mais aussi nous devons tenir compte de leurs limites et faiblesses à nous aider à devenir un pays industriel. Si le JETP peut réellement contribuer à l'électrification des zones rurales, en aidant les communautés encore privées d'électricité, et en promouvant les énergies renouvelables pour soutenir les résidences et les producteurs agricoles, ou soutenir les efforts dans le stockage des énergies renouvelables, alors il mérite d'être accrédité. En revanche, si cet accord ne vise qu'à remplacer les combustibles fossiles existants par des énergies propres, sans vraiment changer la donne en matière de capacité de production, cela constituerait un frein à notre transformation industrielle. À un moment où le pays nourrit des ambitions élevées pour son développement économique et social durable, cette démarche pourrait freiner notre élan plutôt que de le renforcer.
Dans le cadre de notre agenda de transformation, le Sénégal devra atteindre dès 2035 et non attendre 2050, une capacité électrique additionnelle de plus 10 000 MW pour soutenir son développement rapide et stratégique. Cela prouverait notre volonté de croître à un rythme soutenu tout en respectant une stratégie à long terme (SLT) de développement à faible émission de gaz à effet de serre, en utilisant de manière optimale les ressources énergétiques disponibles. La redéfinition de l'objectif pour 2050 doit impérativement s'appuyer sur cette dynamique. 2050 devra nous positionner sur autre orbite consolidée par une très forte capacité électrique pour un pays riche en gaz et en ressources renouvelables .
Le vin est tiré et il faudra certes le boire, mais encore faudrait-il que ces montants profitent véritablement aux communautés et ne freine en aucune façon nos ambitions de développement .
Le Sénégal a récemment lancé la mise en place de son Réseau Gazier National, destiné à collecter le gaz naturel des gisements de Yakaar-Téranga , Grand Tortue/Ahmeyim (GTA) et Sangomar , et à l'acheminer vers diverses centrales électriques de Senelec , les producteurs indépendants d'électricité (IPPs) et les industriels . Ce projet, ambitieux et porteur de perspectives, soulève cependant des interrogations quant à son lien avec le JETP.
Ces questions sont essentielles dans un contexte où le Sénégal doit concilier son impératif de développement rapide et son désir de devenir un pays industriel à faible émission.
In fine, nous avons besoin de plus de clarté sur l'interaction entre les stratégies gazières, le développement des énergies renouvelables et l'engagement dans le JETP pour ne pas perdre de vue nos aspirations et priorités nationales.
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