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[Focus] Une loi pour l’accès à l’information, mais des zones d’ombre persistent

Auteur: Léna Thioune

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[Focus] Une loi pour l’accès à l’information, mais des zones d’ombre persistent

Le Sénégal s’apprête à franchir une étape décisive pour sa démocratie avec l’examen, ce mardi 26 août 2025, du projet de loi sur l’accès à l’information, adopté en Conseil des ministres le 30 juillet 2025. Attendu depuis 1999, ce texte suscite à la fois enthousiasme et prudence parmi les acteurs de la société civile et les professionnels des médias. Si tous saluent une avancée potentielle pour la transparence et la gouvernance, ils insistent sur la nécessité de clarifier certaines zones d’ombre pour garantir son efficacité.

Le droit d’accès à l’information est une revendication de longue date au Sénégal. Dès la fin des années 1990, la société civile, les journalistes et des organisations comme Article 19 ont milité pour son adoption. « Ce projet de loi est l’aboutissement d’un processus entamé dès 1999. Nous sommes aujourd’hui à une étape historique », déclare Alfred Nkuru Bulakali, directeur régional d’Article 19. Il souligne que ce texte concrétise les engagements du Sénégal dans le cadre du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO), auquel le pays a adhéré en 2018.Malgré plusieurs tentatives avortées par manque de volonté politique, l’adoption de ce projet est perçue comme une victoire. « C’est une bonne nouvelle pour le citoyen, les professionnels de l’information et les chercheurs », affirme le journaliste Birame Faye.

Une loi prometteuse, mais un défi d’application

Le texte instaure des mesures clés : une obligation pour les administrations de répondre aux demandes d’information dans un délai de 15 jours, la possibilité de saisir la Commission nationale d’accès à l’information (Conai) en cas de refus, et des sanctions contre les agents récalcitrants. Mamadou Diagne, président de la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS), y voit une avancée qui « facilitera les enquêtes journalistiques », tout en appelant à former les journalistes : « Beaucoup ignorent encore comment exercer ce droit. Il faudra des cadres de formation et de vulgarisation. »Cependant, Mor Amar, rédacteur en chef du journal EnQuête, nuance : « C’était une anomalie que le Sénégal ne dispose pas d’une telle loi, surtout quand des pays à la démocratie moins avancée, comme la Gambie sous Yahya Jammeh ou le Togo, en sont dotés. Mais une chose est de voter la loi, une autre est de la rendre effective, et c’est là le véritable défi. » Il rappelle que les gouvernements sénégalais sont souvent « prompts à voter des lois qu’ils n’appliquent pas toujours ».Birame Faye ajoute que, parmi les 29 pays africains dotés de lois similaires, « elles n’ont pas servi à grand-chose, car le poids colonial continue de menotter les administrations publiques. »

Des zones d’ombre à clarifier

Malgré ses acquis, le projet présente des limites. Birame Faye critique l’article 2, qui élargit les exceptions au droit d’accès avec des notions floues comme « le secret industriel et commercial » ou « tout autre secret protégé par les lois en vigueur », ce qui pourrait restreindre l’accès des citoyens. Il déplore aussi la centralisation des recours : « Vu de Dakar, il semble simple de saisir la Conai, mais pour un citoyen de l’intérieur du pays, il serait plus efficace de passer par un sous-préfet ou un préfet. »Mor Amar pointe l’imprécision des sanctions prévues à l’article 30 et la composition trop institutionnelle de la Conai : « On parle d’entraves ou de refus si la personne l’a fait sciemment. C’est un grand boulevard offert aux récalcitrants. Et l’administration est trop représentée dans la Conai, au détriment des organisations citoyennes. »

Un outil contre la désinformation

Dans un contexte de prolifération des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, l’accès à des données officielles est vu comme un rempart. Alfred Nkuru Bulakali explique : « L’absence d’un cadre légal clair alimente les rumeurs, les fausses nouvelles et fragilise la qualité du débat public. » Souleymane Diassy, journaliste à Africa Check, renchérit : « Dans le fact-checking, nous avons besoin de données publiques sur la santé, l’économie ou l’éducation. Trop souvent, nos demandes restent sans réponse, ce qui ralentit, voire empêche, nos enquêtes. Ce que nous cherchons n’est pas un privilège, c’est un droit. »Mamadou Thior, président du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (CORED), ajoute : « Trop de procès pour diffamation auraient pu être évités si l’information avait été accessible dès le départ. Cette loi permettra aux journalistes de travailler sur la base de documents officiels et non de rumeurs. »

Les acteurs s’accordent sur un point : le succès de la loi dépendra de son application. « Le fait de voter la loi est une bonne chose, mais on va attendre ce que ça va donner dans la pratique », insiste Mor Amar, qui apprécie l’encadrement des délais de réponse, mais reste prudent : « Avec la bonne volonté des assujettis, cette loi peut permettre des avancées majeures dans l’exercice de la profession. »

La loi s’adresse à tous les Sénégalais, pas seulement aux journalistes. « Ce n’est pas une loi pour les journalistes, c’est une loi pour tous », précise Birame Faye, coordonnateur régional Médias de l’Institut Panos. Chaque citoyen pourra adresser une demande écrite à une administration, qui devra répondre sous 15 jours, avec un recours possible auprès de la Conai en cas de refus. Alfred Nkuru Bulakali conclut : « L’accès à l’information n’est pas une faveur, c’est un droit humain fondamental. Sa reconnaissance ouvre un nouveau cycle démocratique pour le Sénégal. »

Auteur: Léna Thioune

Commentaires (1)

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    Gretchen Cass il y a 8 heures

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