Dans le vaste chantier de la fondation du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba (le fondateur), ses disciples et ses frères de sang et d’idéologie ont réussi, dans un contexte colonial hostile, à planter les socles d’une cité-État grandissante (Touba) adossé à une doctrine religieuse soufie profondément ancrée. Un riche héritage jalousement préservé par ses fils et perpétué par ses petits-fils qui ont joué un rôle actif dans le rayonnement du mouridisme. 

Parmi ces héritiers spirituels figure Serigne Cheikh Ahmadou Mbacké Gaïndé Fatma. Premier petit-fils de Cheikh Ahmadou Bamba, il est une figure emblématique de la confrérie. Né en décembre 1912, le fils aîné de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (premier khalife de la confrérie) et de Sokhna Fatma Diop, n’a pas eu le privilège d’occuper le Khalifat mais son influence transcende les cercles religieux pour s'étendre à la sphère politique, économique, sociale et même diplomatique. 

Une ouverture au monde et aux autres cultures qui n’a en rien altéré sa spiritualité. Comme tous ceux qui ont grandi dans l’entourage de Khadimou Rassoul, Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma a bénéficié d'une formation spirituelle et intellectuelle rigoureuse et riche. Il a, naturellement, appris le Coran et les sciences islamiques, qui ont constitué la base de sa formation religieuse. Durant ce long parcours d’apprentissage, il a séjourné de 1919 à 1926 à Tindody, avec son frère cadet Serigne Mbacké Madina, chez Serigne Makhtar Allé Lô. 

Les deux frères sont ensuite envoyés en 1930 en Mauritanie pour y apprendre la littérature, la théologie et le tadjwid. Ils y restent pendant deux ans avant de revenir au Sénégal précisément à Diourbel chez Serigne Mouhamadou Dème. En 1933, ils sont confiés à Serigne Habibou Mbacké al Imam.

Cependant, ce qui le distingue, c'est son ouverture d'esprit et sa volonté d'explorer d'autres domaines de connaissance. Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma est d’ailleurs considéré comme un leader religieux visionnaire, car il a très tôt compris l'importance de l'éducation et de la connaissance dans le développement d'une société. Il a ainsi étendu ses connaissances dans d'autres sciences sociales, telles que la philosophie, la sociologie et l'économie, ce qui lui a permis de mieux comprendre les défis et les opportunités de son époque.

Un soutien déterminant à la création du PDS

Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma est notamment connu pour avoir apporté son soutien à la création du Parti démocratique sénégalais (PDS) d'Abdoulaye Wade, président du Sénégal (2000-2012). Selon des sources concordantes, il a joué un rôle clé dans le financement du premier congrès du PDS tenu à Kaolack en 1974. « Mon père Gaïndé Fatma a remis 35 millions Cfa à Wade pour créer le Pds », confie son fils Serigne Moustapha Mbacké, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2012. Un soutien qui a mis fin au monopartisme. 

L’ancien khalife de Darou Khoudoss, parrain du pluralisme politique au Sénégal s’est éteint en 1978 mais continue d’inspirer des générations. Serigne Ahmadou Ndiaye Nguirane retrace le parcours de ce leader religieux visionnaire.