La Cour des comptes a sorti un rapport accablant sur la gestion du régime du président Macky Sall, entre 2019 et 2024. Le rapport pointe des pratiques nébuleuses allant de prêts de centaines de milliards non déclarés à de faux chiffres sur la dette et le déficit budgétaire, en passant par des irrégularités comme de l’argent public à coups de milliards qui transitent dans des comptes personnels.
Depuis la sortie du document, deux camps s’affrontent. Ceux qui saluent le travail de la cour et demandent justice et ceux qui accusent l’institution de se laisser manipuler par de nouveaux gouvernants avides de vengeance sur le prédécesseur. « La Cour des comptes s'est tiré une balle dans le pied », déclare Aïssata Tall Sall, partisane de l’ancien président Macky Sall.
Aujourd’hui, la question se pose de savoir si cette cour peut revenir sur ses affirmations d’hier. « En théorie, la Cour des comptes, lorsqu’elle certifie des comptes, engage sa crédibilité et son expertise. Cependant, il est possible qu’elle revienne sur une certification passée, si des erreurs, fraudes ou irrégularités sont découvertes ultérieurement », répond l’économiste Magaye Gaye dans une tribune.
Selon lui, ceci est possible dans trois cas. Le premier, c’est lorsque de nouvelles informations apparaissent sur les éléments fournis par les entités contrôlées. Le deuxième est lié à une évolution éventuelle des normes comptables ou des méthodes d’audit. « Ce qui était acceptable à un moment donné peut ne plus l’être selon les nouvelles exigences », dit-il. Le troisième se rapporte à la fraude ou la dissimulation. « Si des manipulations ou des irrégularités étaient cachées lors des précédents contrôles, la cour peut revenir sur sa position après découverte des faits », ajoute-t-il.
Que fait alors la Cour des comptes dans ce contexte précis ? Rien ! Sinon garder le silence. Et c’est le lieu de regretter l’omerta qui frappe beaucoup d’institutions et de corps de contrôle dans ce pays. Il est peut-être temps que la responsabilité de nos institutions vis-à-vis du peuple soit revue. Régulièrement, les décisions prises par ces organes font l’objet de débat, parfois de polémique, sans réaction de leur part.
Si ces magistrats ont l’obligation de silence, pourquoi ne pas doter ces institutions d’un porte-parole pour expliquer le bien-fondé des décisions prises. C’est aussi une façon pour elles de se défendre afin de ne pas laisser le doute sur leur intégrité.
Qu’est-ce qui s’est passé pour que les rapports d’hier et d’aujourd’hui de la Cour des comptes disent deux choses différentes ? Y a-t-il eu contradiction dans la méthodologie ou pas ? La Cour a-t-elle subi des pressions ? Sur toutes ces questions, ainsi que tant d’autres, la Cour des comptes devrait pouvoir prendre la parole, non pas pour se défendre, mais aider les Sénégalais à mieux comprendre face à cette volonté de manipulation de part et d’autre des chapelles politiques.
Ceci est valable aussi pour une juridiction comme le Conseil constitutionnel régulièrement attaqué pour ses décisions, mais toujours aphone. Ce n’est qu’à de rares occasions comme la prestation de serment d’un président élu que le président de Conseil constitutionnel saisit l’occasion pour soit s’expliquer, avec beaucoup de retard, soit solder ses comptes.
Dans la volonté affichée de réformer l’Administration, l’État de façon générale, il serait bon de revoir la communication des institutions. La possibilité doit leur être accordée de prendre la parole, non pas sur le moindre détail, mais chaque fois que de besoin, afin d’éclairer la lanterne des Sénégalais.
Auteur: Mbaye Sadikh
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