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Côte d’Ivoire : Comment l’opposition peut-elle se réinventer après la débâcle de 2025 ? (Par Isaac Marie)

Auteur: Isaac Marie

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Côte d’Ivoire : Comment l’opposition peut-elle se réinventer après la débâcle de 2025 ? (Par Isaac Marie)

La présidentielle du 25 octobre 2025, qui a vu le Président Alassane Ouattara reconduit, n'a fait que confirmer une chose : si le régime est institutionnellement solide, l'opposition, elle, est en crise profonde. Contrainte de faire sans ses locomotives – Tidjane Thiam (PDCI) invalidé, Laurent Gbagbo (PPA-CI) inéligible – elle est sortie du scrutin sans tête ni stratégie claire. L'heure n'est plus à la contestation, mais à une remise en question existentielle face à la domination du pouvoir en place.

Un paysage fragmenté, entre figures contraintes et jeu de la succession

Le tableau politique de l'opposition est une mosaïque de leaders isolés. Laurent Gbagbo a tiré le premier enseignement post-scrutin en annonçant, en octobre, vouloir se retirer des fonctions politiques actives depuis sa résidence abidjanaise. Il souhaite désormais être le "sage" du PPA-CI, ouvrant ainsi la voie à une succession interne délicate. À distance, Guillaume Soro, toujours inéligible et hors du pays, exerce une influence symbolique qui pèse encore.

La gauche ivoirienne, malgré sa riche histoire, est aujourd'hui une poudrière. Le PPA-CI doit gérer l'équilibre entre la ligne plus modérée et les figures plus radicales comme Simone Gbagbo (MGC). Charles Blé Goudé (COJEP), lui, s'efforce de jouer le rassembleur autour des questions sociales. L'ancien Premier ministre Ahoua Don Mello tente d'apporter une expertise technique au milieu de ces querelles idéologiques.

Du côté du PDCI, sous la houlette de Tidjane Thiam, l'invalidation a obligé à un virage stratégique. Thiam doit prouver qu'il peut faire de l'opposition de terrain. Son défi, et celui de poids lourds de son camp comme Jean-Louis Billon, est double : maintenir la cohésion interne et se muer en une opposition de propositions crédibles face au RHDP.

Géopolitique et failles du pouvoir : les cartes cachées

L'opposition ne peut plus travailler les yeux rivés sur Abidjan. Elle doit prendre en compte le regard de la CEDEAO et le poids des institutions financières comme le FMI, qui prônent la stabilité mais attendent aussi un dialogue inclusif. L'opportunité réside dans la possibilité de jeter un regard froid et dépassionner sur le sentiment anti-français qui monte dans la sous-région pour critiquer et décortiquer la proximité perçue entre le régime et l'ancienne puissance coloniale.

Surtout, l'opposition doit se préparer à exploiter les tensions inévitables au sein du parti au pouvoir. La réélection du Président Ouattara rend la question de sa succession urgente. L'absence d'un dauphin désigné au sein du RHDP, en dépit de figures comme Robert Beugré Mambé, Patrick Achi, Adama Bictogo ou encore Bacongo, va nécessairement créer des frictions internes d'ici 2030. Ces failles sont le terrain de chasse stratégique que l'opposition pourrait intelligemment investir.

Les clés de la restructuration : le plan d'action

Pour regagner une légitimité, l'opposition ivoirienne doit radicalement changer son logiciel politique : moins d'émotion, plus de construction. Ce chemin passe par quatre piliers fondamentaux.

Pilier 1 : L'unité et le renouvellement, dépasser le clivage historique

Il faut dire stop aux querelles de personnes pour bâtir un Front d'Opposition Uni. Ce n'est pas une simple alliance de circonstance, mais l'adoption d'une charte politique durable avec un socle programmatique non négociable.

Le plus vital est d'opérer un renouvellement radical des visages et des discours. L'opposition doit propulser des leaders crédibles, trentenaires et quarantenaires, qui s'adressent à la jeunesse. Le message doit basculer de la nostalgie du passé à la projection vers l'avenir, afin d'arrêter de se définir par le cycle des "inéligibles".

Pilier 2 : L'occupation du terrain local et social : Le retour à la base

L'opposition doit s'ancrer dans une stratégie de long terme. Elle doit devenir une opposition sociale de proximité. Le salut est dans le renforcement des structures de base, même entre les élections.

Cela signifie transformer les partis en véritables contre-pouvoirs locaux : identifier les problèmes spécifiques à chaque région (micro-problèmes d'eau, de foncier) et apporter des plaidoyers efficaces. Il est essentiel de structurer un lien sincère avec la société civile (ONG, mouvements de jeunesse) pour l'épauler dans ses actions. C'est cette présence quotidienne qui permettra de reconstruire un maillage territorial face à la puissante administration du RHDP.

Pilier 3 : La primauté de la proposition sur la contestation et la victimisation

Pour être crédible, l'opposition doit se doter d'une Force de Proposition Technique (FPT) capable d'analyser les politiques publiques et de proposer des alternatives chiffrées. Cette opposition de compétences doit produire un contre-projet qui remet en cause la répartition actuelle des bénéfices de la croissance. Il faut s'attaquer aux inégalités régionales, non pas en les dénonçant, mais en s’exprimant sur des thématiques clés (dette publique, stratégie agricole), forçant le gouvernement à débattre sur le fond.

Pilier 4 : L’usage stratégique des tribunes pour institutionnaliser le dialogue politique

Il faut mettre fin à la tactique stérile du boycott systématique. Le dialogue républicain, que le gouvernement a relancé fin 2025, doit être utilisé comme une tribune stratégique.

Participer activement aux joutes démocratiques (municipales, législatives, conseils régionaux, comisis enon électorale etc) permet de maintenir une présence institutionnelle continue, de dénoncer les dysfonctionnements de l'intérieur, et de gagner des points médiatiques. La participation doit être conditionnée à des objectifs précis : négocier la réforme de la CEI et exiger l'amnistie ou la libération des détenus liés au jeu politique.

Quelques propositions concrètes pour reconquérir le terrain

Pour donner de la chair à cette "opposition de compétences", les propositions doivent être percutantes et ciblées. Par exemple :

En Gouvernance Économique, il faut proposer une refonte du système fiscal pour le rendre plus progressif et moins dépendant de l'informel. Exiger l'établissement d'une Autorité Indépendante de Contrôle des Marchés Publics, dotée de pouvoirs d'enquête, pour lutter contre la perception de la corruption dans les grands projets.

Sur le plan Social et de l'Emploi, pourquoi ne pas insister sur la mise en place de Pôles de Compétitivité Agricole dans les régions de l’intérieur pour stimuler l'emploi hors d'Abidjan ?

Concernant le Foncier et l'Environnement, il peut être proposé l'accélération de la réforme agraire et l'achèvement du cadastre numérique pour sécuriser les titres de propriété quand on sait combien le mal est profond. Bien entendu, mais souvent oublier, exiger un plan de relance de la Souveraineté Alimentaire, réduisant la dépendance aux importations de riz grâce à des investissements massifs dans les petites exploitations vivrières.

Regard vers l’avenir : Le choix entre résilience et disparition

La défaite de 2025 n'est pas une fin, mais un ultimatum pour l'opposition ivoirienne. Son avenir ne se jouera pas sur la capacité à ramener les figures du passé, mais sur l'aptitude à incarner une offre politique de rupture pour la génération de demain.

L'enjeu est clair : soit elle parvient à réaliser l'unité stratégique autour de ces propositions concrètes et à engager le renouvellement générationnel réclamé par la jeunesse, se positionnant ainsi comme une force crédible en vue de 2030. Soit elle persiste dans la fragmentation, la victimisation et la contestation, se condamnant alors à l'obsolescence politique et laissant le champ libre à une domination durable du RHDP.

Le chemin de la réorganisation est long, mais c'est en devenant une critique utile et constructive, ancrée dans le social et non plus dans l'émotionnel, que l'opposition ivoirienne pourrait regagner la confiance des électeurs et faire du pluralisme un véritable moteur de progrès pour le pays.

Par Isaac Marie

Auteur: Isaac Marie
Publié le: Mardi 28 Octobre 2025

Commentaires (9)

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    Illusion aujourd'hui il y a 2 heures

    Impossible dans le court et moyen terme. Bagbo âgé a annoncé sa retraite politique et Tidiane Thiam est considéré comme " Français". Billon et les autres candidats ont montré leurs limites de popularité lors de ces Présidentielles.

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    Xeme il y a 2 heures

    Il y a eu débâcle de l'opposition ou fraude massive de Ouattara ?

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    Schan Jhee il y a 2 heures

    Gbagbo manque de crédiblité, son age n'a rien a avoir avec sa vision du passé. L'avenir appartient à T_THIAM

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    Albert il y a 2 heures

    Y voit rien. Libérez vous soyez garçon comme vous aimez bien le dire. Venez faire stage au Sénégal.

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    Patriote il y a 1 heure

    Article nul et pas objectif. Il n’y a pas eu de débâcle de l’opposition pour la bonne et simple raison que les candidats de l’opposition n’ont pas été autorisés à se présenter. Il y’a eu juste simulacre d’élections. Quand à la double nationalité de tidiane Thiam, Alassane ouattara etait dans la même situation. Isaac marie soyez honnête et objectif quand vous écrivez

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    Bayal il y a 1 heure

    Il n'y as eu de débâcle de l'opposition. Regarde le taux de participation. Il est falsifié mais il est faible en réalité. L'opposition significative a été écartée. (PDCI-RDA et PPA-CI) Cette élection ne montre pas la faiblesse de l'opposition monsieur le journaliste.

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    dp il y a 1 heure

    On ne change pas un cheval qui gagne en plein course.

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    sopi il y a 38 minutes

    Il n'y a pas eu match et vos élucubrations n'y changeront rien.
    Si ADO était si confiant, il eût fallu qu'il laissa Gbagbo et Tijane Thiam l'affronter dans les urnes.
    Son forfait est similaire à ceux de Mugabe.

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    Salif il y a 24 minutes

    Le seul Candidat de gauche crédible c'est Thiam. A lui de jouer avec crédibilité et efficacité sur le terrain localement et territorialement. Gbagbo aurait dû se retirer depuis son retour de la CPI. Les autres ce sont des figurants manipulés et de bas jeux, des faux-semblants d'opposants au service du Diable.

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