Les mirages verts du béton africain
L’Afrique bâtit, l’Afrique rêve, l’Afrique emprunte. Les grues se dressent dans les capitales comme des promesses verticales de modernité et d’avenir. Routes, ports, centrales solaires, barrages, trains à grande vitesse, tout semble vouloir dessiner la carte d’un continent irrésistiblement tourné vers le progrès. Pourtant, sous l’élan visible des chantiers, se cache une équation plus subtile. Comment concilier la soif d’infrastructures avec les exigences d’une finance durable encore largement pilotée depuis les places financières du Nord ?
Les discours abondent sur le financement vert, sur la transition énergétique et la résilience climatique, mais la réalité des bilans comptables demeure plus prosaïque. À peine un projet sur dix labellisé durable au sud du Sahara respecte réellement les standards environnementaux internationaux. Les obligations vertes émises par certains États, souvent célébrées comme des avancées majeures, servent parfois davantage à soigner l’image qu’à transformer la réalité. Les investisseurs occidentaux, eux, préfèrent les projets bien balisés, à faible risque, laissant les infrastructures les plus vitales comme les routes rurales, les réseaux électriques locaux ou les adductions d’eau à la charge des budgets nationaux déjà fragilisés.
Encore une finance qui promet d’allier rendement et conscience écologique, mais qui s’arrête souvent au seuil de la rentabilité.
Encore une finance qui proclame vouloir verdir le béton, sans vraiment renoncer à la logique du profit immédiat.
Encore une finance qui exige transparence et gouvernance, tout en imposant des taux d’intérêt qui effritent la marge des États.
Encore une finance qui distribue des labels verts plus vite qu’elle ne déploie les fonds nécessaires à l’adaptation climatique.
Encore une finance qui se dit solidaire, mais qui s’abrite derrière les notations souveraines, les garanties et les risques de change pour justifier son immobilisme.
Les grandes institutions multilatérales, quant à elles, se tiennent dans une posture intermédiaire, entre ambition et prudence. Elles multiplient les initiatives de blended finance, ces montages hybrides où capitaux publics et privés s’entrelacent pour rendre un projet plus attractif. En théorie, le principe est vertueux puisqu’il permet de mutualiser les risques afin d’attirer davantage d’investissements. En pratique, les États africains se retrouvent parfois relégués au rôle de caution ultime, endossant les dettes pendant que les profits s’envolent ailleurs.
Et pourtant, tout n’est pas artifice. Des projets d’énergie solaire à Bokhol, des corridors ferroviaires intégrant des normes environnementales, des partenariats pour la gestion durable des ports montrent qu’un autre modèle est possible. Les jeunes institutions de financement régionales, comme Africa50 ou Shelter Afrique, tentent d’inventer une approche où la rentabilité ne s’oppose pas à la responsabilité. Mais ces exemples, encore isolés, peinent à infléchir la trajectoire générale.
Car la finance durable en Afrique, pour l’instant, ressemble à une belle métaphore. Une promesse suspendue entre les impératifs du développement et les dogmes du capital. Elle parle de verdissement, d’inclusion, de justice climatique, mais elle avance lentement, trop lentement, dans un monde qui s’échauffe plus vite qu’il ne change. Les routes continuent de s’étendre, les barrages de s’élever et les dettes de s’accumuler. L’Afrique construit son futur, mais le ciment qu’elle utilise est encore trop gris pour prétendre au vert.
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