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Le Sénégal de demain se construit avec les droits des enfants d’aujourd’hui (Par Jacques Boyer, Représentant de l’UNICEF au Sénégal)

Auteur: Jacques Boyer

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Le Sénégal de demain se construit avec les droits des enfants d’aujourd’hui (Par Jacques Boyer, Représentant de l’UNICEF au Sénégal)

Le 20 novembre marque la Journée mondiale de l’enfance. Cette année, cette

commémoration revêt une signification toute particulière pour le Sénégal, qui célèbre

les 35 ans de la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). 35

années d’engagement, de progrès et de défis, portés par une vision partagée : faire des

droits de l’enfant une réalité tangible, quotidienne, durable.

Depuis 1989, le Sénégal s’est positionné comme l’un des premiers pays à endosser la

CDE, confirmant ainsi sa volonté de bâtir une société plus juste et plus respectueuse de

ses enfants.

Au-delà d’un symbole, cette journée nous invite à nous poser une question

fondamentale : les enfants du Sénégal voient-ils leurs droits respectés, tous les jours ?

Car derrière les slogans et les célébrations, il y a une réalité vécue, parfois dure,

souvent invisible : celle de millions d’enfants qui attendent que les promesses faites en

leur nom deviennent enfin réalité.

Le thème retenu cette année par l’UNICEF à l’échelle mondiale, « Ma journée. Mes

droits », sonne comme une évidence autant qu’un rappel. Une évidence, parce qu’il est

naturel de penser que chaque enfant a le droit d’être protégé, soigné, éduqué, aimé. Un

rappel, parce que ces droits ne sont pas toujours garantis. Parce que trop d’enfants,

même au Sénégal, vivent encore des journées marquées par l’exclusion, la privation ou

le silence.

Depuis ma prise de fonction au Sénégal, j’ai rencontré de nombreux enfants fortement

engagés pour défendre leurs droits, et ceux de leurs pairs. A travers tous ces

échanges, avec les Conseils Municipaux d’Enfants, les Clubs de Jeunes Filles, les

mouvements d’enfants engagés pour l’action climatique, et bien d’autres, c’est ce

même message qui revient : « Nous ne voulons pas continuer à être mis de côté ».

Notre responsabilité collective est grande et rappelle que les enfants ne demandent pas

l’impossible : ils demandent à être vus, écoutés, pris au sérieux.

Cette année, j’ai été témoin de moments porteurs d’espoir. En avril, j’ai vu des enfants

marcher avec dignité et conviction aux côtés de la Ministre de la Famille, de l’Action

Sociale et des Solidarités. Ils ont remis un mémorandum au Premier Ministre, énonçant

leurs priorités pour un avenir plus juste et plus équitable. Cette écoute institutionnelle,

concrète et publique, est un acte fort de reconnaissance de leur droit à la participation.

Ce que j’ai vu aussi, ce sont des engagements qui se traduisent en actes. Le décret

relatif à la commercialisation des aliments destinés aux nourrissons et aux jeunes

enfants a été adopté et signé par S.E.M. le Président de la République. Il vise à

prévenir un fléau silencieux : la malnutrition, et en particulier la malnutrition aiguë qui

touche encore un enfant sur dix au Sénégal. Des mesures ont été prises par le Ministre

de l’Education Nationale pour permettre aux enfants sans acte de naissance, souvent

exclus du système scolaire, de passer leurs examens. C’est un droit fondamental : celui

d’exister officiellement, de faire valoir son identité.

La Déclaration de Dakar, portée par des filles de toute l’Afrique de l’Ouest et du Centre,

a été remise par des adolescentes du Sénégal à la Ministre de la Famille, de l’Action et

des Solidarités pour alimenter l’Agenda National de la Fille et adresser les problèmes

de décrochage scolaire au niveau du secondaire pour les filles, leur manque d’accès à

des services de santé et de protection et la stigmatisation autour de l’hygiène

menstruelle.

Le Parlement national des enfants est en cours de renouvellement. Les discussions

avancent également sur le retrait progressif des enfants en situation de rue. En

parallèle, la Commission nationale des droits de l’homme vient de lancer le premier Prix

national des droits de l’homme, avec pour thème inaugural : les droits des enfants.

C’est une étape importante dans la promotion de la culture des droits humains dès le

plus jeune âge.

Le Sénégal finalise un Plan d’Action National sur les entreprises et les droits humains –

le premier pour l’Afrique francophone – qui reconnaît explicitement les violations des

droits des enfants qui existent dans le secteur privé, en particulier dans les secteurs

extractifs, industriels et agro-industriels. C’est une avancée majeure, car les droits des

enfants ne s’arrêtent pas aux portes de la maison ou de l’école, ils doivent être

respectés partout.

Mais ces progrès, aussi importants soient-ils, ne doivent pas masquer les urgences.

Car je ne peux pas ignorer les chiffres, ni les visages qu’ils recouvrent. Un enfant sur

deux au Sénégal vit dans la pauvreté multidimensionnelle. Cela signifie qu’il n’est pas

privé d’un seul droit, mais de plusieurs à la fois : éducation, santé, nutrition, eau

potable, vaccination, protection. Ce sont des vies entravées dès le départ.

J’ai rencontré des enfants qui dorment dehors, qui travaillent au lieu d’aller à l’école, qui

grandissent sans soins ni sécurité. Des enfants privés d’enfance. J’ai vu aussi les

conséquences du changement climatique : des écoles inondées, des vagues de chaleur

qui rendent les journées d’apprentissage insupportables et des parents qui, face à des

moyens économiques réduits à cause de récoltes moins bonnes, décident de marier

leur jeunes filles et les priver ainsi d’un meilleur avenir.

Et pourtant, malgré tout cela, les enfants du Sénégal rêvent grand. À l’occasion de la

Conférence Locale de la Jeunesse (LCOY) sur le climat, des enfants et des jeunes ont

pris la parole pour demander que l’on protège leur avenir. Ils ne nous demandent pas

de régler tous les problèmes, ils nous demandent de ne pas les laisser seuls face à

l’avenir.

La Vision 2050, récemment adoptée, leur ouvre un horizon de transformation profonde.

L’accueil prochain des Jeux olympiques de la jeunesse est également une opportunité

unique de faire rayonner leur énergie, leur créativité, leur voix. Ces grandes échéances

doivent être des leviers d’inclusion, de participation, et de progrès pour tous les enfants.

Mais encore faut-il leur faire de la place.

Je crois profondément que le développement d’un pays ne se mesure pas seulement à

son PIB ou à ses infrastructures. Il se mesure à la manière dont il traite ses enfants. Les

droits des enfants ne sont pas négociables : ils sont universels, indivisibles, et garantis

par la loi. Ils s’appliquent à chaque enfant, sans distinction. C’est notre responsabilité

collective de les faire vivre, de les défendre, de les promouvoir.

J’écris cette tribune non pas comme un observateur extérieur, mais comme un

partenaire engagé. L’UNICEF est aux côtés du Sénégal depuis plus de 60 ans, et je

suis fier de faire partie de cette histoire. Mon engagement, celui de mes équipes et de

nos partenaires, est clair : continuer à travailler main dans la main avec les autorités,

les partenaires, les familles, pour que chaque enfant puisse grandir en bonne santé,

aller à l’école, être protégé de la violence, exprimer ses idées et participer aux prises de

décisions qui le concernent.

Parce que je suis convaincu que quand les droits des enfants sont respectés, les

enfants s’élèvent … et la nation aussi.

En cette Journée mondiale de l’enfance, réitérons notre engagement à faire du Sénégal

un pays où les droits des enfants ne sont pas seulement écrits, mais vécus, avec les

enfants, pour les enfants.

Auteur: Jacques Boyer
Publié le: Jeudi 20 Novembre 2025

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