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NOUVELLES CITES : « Jaxaay » attend ses infrastructures complémentaires

Auteur: Seydou KA

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Si la satisfaction est le sentiment le mieux partagé pour les habitants de la Cité « Jaxaay », il n’en reste pas moins des choses à faire. La cité des sinistrés n’a ni marché, ni maternité, encore moins de cimetière. La question de l’état civil se pose également avec acuité.

Un endroit calme et paisible. Les rues sont rectilignes et impeccablement propres. Le sable fin se fait admirer. De là, on dispose d’une belle vue sur Keur Massar à travers la grisaille matinale. Dans toute cette partie Est, on distingue les prémices d’une nouvelle ville qui émerge des interminables chantiers en construction. On peut y distinguer des mosquées avec leurs dômes aux pointes reluisantes...

De l’extérieur, la Cité « Jaxaay » donne l’image d’un quartier huppé ou résidentiel. C’est seulement à l’intérieur des maisons, à la vue du mobilier modeste mais propre, que l’on se fait une idée du niveau social des habitants. Les maisons sont construites sur le même modèle et sont toutes peintes en jaune. Demba Seck est l’un des premiers arrivés dans cette nouvelle cité. Exactement le 22 décembre 2006. Après 40 années passées à Guédiawaye, il a été obligé de quitter sa maison inondée. Demba et sa famille ne se plaignent pas. « Nous sommes à l’aise ici », soupire-t-il. C’est l’heure du repas de midi. La maîtresse de maison, une petite femme au sens de l’hospitalité débordant, genre cigale, a préparé du « thiébou djeun » (riz au poisson). Elle a fait de son mieux pour semer du bonheur dans ce bol autour duquel la petite famille de cinq personnes s’est réunie. Un vent pur et frais provient de la porte et rafraîchit la petite véranda. Dans l’arrière cour, quelques jeunes arbres fruitiers et des plants de menthe qui embaument l’atmosphère dans la maisonnée. Bref, cette petite famille ordinaire mène le genre de vie dont, sans doute, certains rêvent. Une vie simple et tranquille. Même si elle ne l’affiche pas pompeusement. Mamadou Ndiaye aussi, apprécie l’endroit. A l’entendre, comparée à Djeddah Thiaroye Kao (banlieue dakaroise), d’où il vient, « Jaxaay » serait un vrai petit paradis sur terre. « J’ai fait deux ans dans l’eau avant de déménager ici. C’était un vrai calvaire. Ma maison était remplie d’eau douze mois sur douze ; et chaque matin il me fallait porter mes enfants sur le dos pour les aider à sortir de la maison pour pouvoir aller à l’école. Ici, franchement, je ne me plains pas », dit-il. Pour mieux mesurer sa satisfaction, il garde des photos de ce qui était sa maison familiale à Djeddah Thiaroye Kao ...totalement inondée. Sur l’une d’elles, on le voit trempé dans l’eau qui lui arrive aux genoux. Visiblement très satisfit de sa nouvelle maison, il nous la fait visiter, pièce par pièce.

Si la satisfaction est le sentiment le mieux partagé à la Cité « Jaxaay », les attentes n’en restent pas moins importantes. Beaucoup regrettent les lenteurs dans la construction des infrastructures sociales. « Nous n’avons pas encore de marché et cette situation pose beaucoup de désagréments car les femmes sont obligées de faire 2 km pour aller jusqu’à Keur Massar pour y faire leurs achats. Ce que nous souhaitons, c’est d’avoir au moins deux ou trois boutiques de références, comme dans la banlieue, en attendant d’avoir un marché », explique Demba Seck. « Jaxaay » n’a pas non plus de cimetière, ni de maternité, d’après Ameth Sow, habitant à l’Unité 12 B. « Pour les déclarations de naissances ou de décès, nous sommes obligés d’aller jusqu’à Sangalkam, distant de six kilomètres. « Jaxaay » est pour le moment considéré comme le 33e village de Sangalkam, donc, nous sommes obligés d’aller là-bas pour toutes nos démarches administratives. Et puisqu’il n’y a pas de route directe, on est obligé de prendre trois à quatre véhicules », déplore Ameth Sow. Cet ex-chef de quartier de Médina Gounass (Guédiawaye) au crâne rasé, aux grandes oreilles et aux yeux injectés de sang qu’enveloppe un visage carré, se préoccupe beaucoup de la question de l’état civil. Normal. C’était son boulot en tant que chef de quartier. « Les autorités ne doivent pas oublier que nous avons tout perdu, notamment les pièces d’état civil, durant les inondations. La majorité de ceux qui vivent ici n’ont pas d’actes de naissance », souligne-t-il. C’est pourquoi, le vieux Demba Seck estime, lui aussi, que l’Etat doit organiser des audiences foraines à « Jaxaay » pour permettre à ses dix mille habitants d’avoir des papiers d’identification.En revanche, la nouvelle Cité dispose de trois écoles primaires, d’un collège et d’une Case des-tout-petits. Une unité et un hôtel de police et un hôpital sont également en construction. Il y a aussi ceux qui jugent les maisons très étroites par rapport à la composition des familles. Le vieux Ameth en fait partie. « Moi, j’ai dix-neuf fils et quatre épouses. Malgré le fait qu’on m’ait donné exceptionnellement deux maisons, ma situation est loin d’être réglée. Comment voulez-vous que vingt cinq personnes se mettent dans six chambres ? », s’interroge l’ex chef de quartier de Gounass. Face à cette situation délicate, il finit par éparpillée sa nombreuse famille.

« J’ai envoyé certaines de mes épouses au Fouta et une bonne partie de mes enfants sont éparpillés dans toute la cité où ils sont provisoirement locataires », confie-t-il. En outre, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le payement des 4 millions de Fcfa étalé sur vingt ans, soit un versement de 20.000 Fcfa par mois, n’arrange pas tout le monde. Certains vont jusqu’à réclamer purement et simplement la gratuité des maisons. Mais Demba Seck estime, pour sa part, que l’Etat a beaucoup fait. Et de rappeler dans quelles conditions les sinistrés habitaient dans les bas-fonds. Certains prennent les choses avec philosophie et bonne humeur. « Si nous ne pouvons pas rembourser, nos fils et petits-fils payeront à notre place. Vingt ans, c’est quand même un bon bout de temps ! », dit M. Ndiaye.

DEMBA SECK, NON VOYANT : Le monsieur « social » de « Jaxaay »

Président de la Fédération départementale des personnes handicapées de Guédiawaye, où il continue de se rendre très souvent pour ses activités, ce non voyant est très actif dans l’action social à la cité « Jaxaay ».

De loin, rares sont ceux qui parient qu’il est un non voyant. Dans sa petite maison à la Cité « Jaxaay », il se déplace sans canne, avec une remarquable intelligence dans ses mouvements. Il ne montre point de signes d’hésitation -comme c’est le cas pour la plupart des non voyants. Lui connaît par cœur les moindres recoins de sa maison. Quand il se lève, il se dirige directement à l’endroit où il désire se rendre, sans l’aide de personne. « Chaque aveugle est voyant chez lui », répète-t-il, fort justement. Hormis de grandes lunettes noires fumées qu’il s’est flanqué au visage, Demba Seck ne donne vraiment pas l’air d’un non voyant. Il parle avec une certaine éloquence, tandis que sa pomme d’Adam effectue un mouvement régulier. Son paisible visage, un peu racé, reflète même une certaine fierté...

La première chose qui le plaît à la Cité « Jaxaay », c’est le respect des normes en matière d’accès aux infrastructures pour les personnes handicapées. « Je pense que « Jaxaay » est construite pour les personnes handicapées. Dans tous les bâtiments, il y a des rampes et des toilettes pour handicapés. Même les poteaux électriques sont coincés contre les murs pour éviter que les non voyants les heurtent », explique-t-il, avec satisfaction.

Né à la Médina (grand quartier dakarois) et ayant vécu 40 ans à Gounass (Guédiawaye), ce standardiste de formation -le seul métier qu’il pouvait exercer du fait de son état- est très actif dans l’action sociale. Ce qui lui a valu en quelque sorte le surnom de « M. social ». Ex conseiller en charge des personnes handicapées à la mairie de Guédiawaye et actuel président de la Fédération des personnes handicapées du département de Guédiawaye, Demba Seck a réussi a tissé un bon réseau de soutien surtout avec des Ong. « Avec des partenaires comme Secours islamique de France ou Afiarka, cette année, nous avons reçu quatre vingt moutons de Tabaski, des bœufs et mille moustiquaires imprégnées que j’ai distribuées dans toute la cité, sans distinction entre personnes handicapées et valides. Rien qu’en 2008, Secours de France nous a aidés à hauteur de 4,8 millions de Fcfa en diverses denrées », affirme-t-il. Sa philosophie : « être handicapé ne signifie pas toujours tendre la main ». Au contraire. Il arrive même que ce soit lui qui soutien certains, plus fauchés. « Avec ma nombreuse famille et la faiblesse de mes revenus, Demba m’aide souvent à assurer la dépense quotidienne. C’est quelqu’un de vraiment généreux », témoigne Ameth Sow, un de ses voisins. S’il sait se montrer généreux, Demba Seck est également un bon avocat pour les habitants de « Jaxaay ».

« Le versement de 20.000 Fcfa par mois, c’est vraiment abordable, mais ce serait encore mieux si l’Etat pouvait alléger le payement parce qu’il ne faut pas oublier que l’essentiel des habitants de la Cité « Jaxaay » sont de vieux retraités de Pikine et de Guédiawaye, totalement démunis. Aussi, faut-il souligner qu’il n’y a pas encore d’activités génératrices de revenus à Jaxaay », plaide-t-il. Son engagement lui a valu d’être choisi comme porte parole quand le président de la République recevait les habitants de la Cité « Jaxaay ». Son état de cécité ne l’empêche pas d’être au fait de la moindre information concernant la Cité. Il connaît du bout des doigts le nombre d’habitants, le nombre de maisons et l’état d’avancement des travaux : construction d’un hôpital, d’un poste de police, etc.

MODOU NDIAYE NDOYE, POLICIER A LA RETRAITE : « Je suis le premier fonctionnaire issu du village »

Ce notable de 78 ans est le premier fonctionnaire issu de Keur Massar. Durant sa carrière de policier, Modou Ndiaye Ndoye a notamment servi dans l’escorte du président Senghor

Du haut de ses 78 ans bien sonnés, Modou Ndiaye Ndoye parle du village qui l’a vu naître avec une voix empreinte de nostalgie. Cependant, il ne semble guère être surpris de la transformation fulgurante de ce qui n’était qu’un petit village aux tristes toits de cases entourées de palissades et qui est devenu en l’espace de deux décennies, au plus, une ville en pleine expansion : Keur Massar. Pour le vieux Ndoye, cela va de soit. « Je ne fais que constater que Keur Massar est en train de devenir une ville. Le monde évolue... », articule-t-il dans un wolof lébou difficilement accessible pour un profane.

Pourtant, il se souvient, comme si c’était hier, de cette époque où les humbles habitants du village ne connaissaient que l’agriculture et l’élevage, malgré la proximité avec Dakar. « Nos parents ne connaissaient et ne croyaient qu’au travail de la terre. Ils n’encourageaient même pas les jeunes à aller chercher du travail à Dakar. Je suis le premier jeune du village à devenir fonctionnaire. A l’époque, l’administration coloniale avait besoin de jeunes assez instruits pour les faire entrer dans la police... », raconte Modou Ndiaye Ndoye, d’une voix atone, clairement déshabituée au commandement. Le vieux Ndoye se souvient, avec un brin d’ironie, cette époque où les policiers noirs portaient des culottes. Son visage parcouru de rides, son crâne enfoncé dans un grand bonnet et sa voix rassurante lui donnent l’air d’un vieux maquignon. Fausse image ! Cependant, il n’a presque plus rien d’un flic. Il n’est pas du genre « Pa Allemand » qu’on colle habituellement aux flics à la retraite. Une retraite consommée depuis plus de deux décennies, a clairement déshabitué sa voix au commandement. Sans doute, juge-t-il ridicule de continuer à jouer au type dur, au crépuscule d’une vie. Il se laisse attendrir, s’entoure de ses petits fils et se délecte du rôle de grand père. Il passe ses journées à étendre ses jambes au soleil devant sa maison devenue le repère des personnes du troisième âge du quartier. C’est exactement le 4 avril 1952 que Modou Ndiaye Ndoye intègre l’école de police, après un Cep obtenu en 1947 à Dakar. Après six mois de stage, il intègre la Section des accidents de la Police centrale de Dakar. Membre de la première promotion de la Brigade motocycliste, créée pour les besoins de l’escorte du président Senghor, Ndoye sera l’un des premiers conducteurs de motards de l’escorte présidentielle. « J’étais affecté auprès du président Senghor. C’est mois qui l’amenait à Popenguine tous les samedis et dimanches », se souvient-il avec une lueur de fierté sur le visage. Quelques années plus tard, il sera aussi affecté à Rufisque pour diriger la Brigade routière dont le rôle consistait « à barrer la route de Rufisque à Bargny » durant les déplacements hebdomadaires du président vers Popenguine. Ndoye a passé le reste de sa carrière à la Police centrale de Dakar, en dehors d’un bref passage à la Brigade de Yoff, comme Commissaire divisionnaire

Auteur: Seydou KA
Publié le: Samedi 30 Octobre 2010

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