Au Sénégal, les accidents de la route continuent de faire des ravages, causant des pertes humaines et matérielles considérables. Pourtant, un facteur souvent négligé refait surface avec insistance: les troubles visuels chez les conducteurs. Le constat est sans appel pour Aissatou Wane, professeure titulaire en ophtalmologie à l’Université Iba Der Thiam (UIDT) de Thiès, qui alerte sur l’ampleur de ce problème de santé publique.

«Près de 20 % des causes d’accidents sont liées à des troubles visuels non détectés», révèle la spécialiste, en marge d’une journée de consultation gratuite organisée ce 18 octobre 2025 à la gare routière des Beaux-Maraîchers, à Dakar.

Un chiffre alarmant qui met en lumière une lacune dans le système actuel de délivrance des permis de conduire, où les examens de la vue sont jugés insuffisants pour détecter certains déficits visuels pourtant incompatibles avec la conduite.

Face à cette urgence, le Centre de Vision Madoune Robert Ndiaye de l’UIDT a lancé, en 2023, un projet intitulé «Contribution à la réduction des accidents routiers par le champ visuel». L’initiative vise à évaluer systématiquement le champ visuel binoculaire des conducteurs, un paramètre essentiel mais souvent négligé dans les examens standards.

«C’est dans le cadre de ce projet que nous avons organisé cette campagne de dépistage gratuit. Elle s’inscrit dans nos efforts pour renforcer la sécurité routière à travers un meilleur contrôle de l’aptitude visuelle des chauffeurs», précise le Pr Wane.

Depuis le lancement du projet, 264 chauffeurs ont été examinés et les résultats sont préoccupants. 10,2 % d’entre eux présentent une vision jugée incompatible avec une conduite sécuritaire, tandis que 5 % nécessitent un suivi régulier pour éviter une dégradation de leur capacité visuelle.

Mais l’ambition du centre est bien plus vaste. D’ici les prochains mois, il prévoit de dépister jusqu’à 2 500 chauffeurs, gratuitement, dans ses locaux de l’UFR Santé de Thiès. Et pour ceux diagnostiqués avec des troubles visuels, un accompagnement médical est prévu, en fonction des capacités du centre.

L’initiative bénéficie également du soutien de l’Association des opticiens du Sénégal, qui s’est engagée à fournir des lunettes correctrices aux conducteurs dans le besoin. Un geste de solidarité qui pourrait faire une réelle différence, en leur permettant de continuer à exercer leur métier en toute sécurité.

En attendant, le projet du Centre de Vision Madoune Robert Ndiaye continue de tracer la voie vers une meilleure prévention, avec une vision de réduire le nombre d’accidents évitables sur les routes sénégalaises.