Des foyers aux tombeaux silencieux : Le poison du « mounial » tue les femmes (par Adama Sy)
Il y a des histoires qui dépassent la douleur et deviennent des révélations brutales. L’histoire de Nogaye Thiam fait partie de celles-là. Un nom devenu symbole, un départ qui a traversé le Sénégal comme un frisson de honte et de colère. Mais derrière l’émotion collective, une vérité bien plus sombre se dessine : Nogaye n’est pas un cas isolé. Elle est le visage visible d’un drame national, celui des femmes qui souffrent et meurent en silence dans les foyers sénégalais.
Dans l’imaginaire social, le mariage est un refuge, un lieu sacré où la femme est censée être protégée, aimée et entourée. Dans la réalité, pour beaucoup, ce refuge se transforme en prison. Les coups se cachent derrière les murs, les larmes derrière les sourires, et la peur derrière les silences. Les femmes ne cherchent pourtant pas l’impossible ; elles veulent juste vivre sans trembler, aimer sans mourir, respirer sans craindre. Mais ce qu’elles reçoivent trop souvent, c’est la souffrance, la pression, les préjugés, l'humiliation, la violence et la dépression.
Et lorsque la souffrance devient insupportable et qu’elles osent partir, la société les pointe du doigt, les taxant de “mauvaise épouse”. Pourtant, lorsque l’une meurt après avoir enduré l’enfer, ce sont les mêmes qui ouvrent tardivement les débats. Cette hypocrisie de la société doit être dénoncée.
« Mounial Dina Diekh » : Le Piège Familial qui Tue
Dans de trop nombreuses familles, lorsqu’une femme crie sa douleur, la réponse est encore la même : « Mounial dina diekh » (endure, ça va aller). Non, ça ne va pas aller. Endurer tue. Endurer brise. Endurer enterre.
Les arrangements familiaux, les pressions, les injonctions à « retourne chez ton mari » ont coûté la vie à de nombreuses femmes. Au lieu d’être un rempart, la famille devient parfois un accélérateur du drame. Chers parents, il est crucial d'écouter vos filles et de les soutenir avant qu’il ne soit trop tard, car l'honneur d’un foyer ne vaut pas la vie d’une femme.
Face à l’enchaînement des violences, une autre conséquence inquiétante émerge : Les jeunes filles célibataires hésitent désormais à s’engager dans le mariage. Elles voient les traumatismes, les larmes, les deuils, les cris étouffés. L’idée même du mariage, jadis rêve d’avenir, devient pour certaines une source d’angoisse, comme si l’alliance au doigt pouvait devenir une chaîne. Elles se demandent : « Et si je vivais la même chose ? » ; « Et si ma vie basculait entre les mains d’un homme violent ? » Cette peur prend racine là où l’on attendait la protection, et cette peur à elle seule dit déjà la gravité du problème.
Depuis quelque temp, les cas se multiplient comme si une ombre pesante s’installait sur le pays de la Teranga :
Dieynaba Ndiaye, une jeune femme violemment tabassée par son mari, Alioune Badara Mbacké, un jeune médecin.
Nogaye Thiam, dont le décès a bouleversé la nation.
À Mbacké, une femme poussée au désespoir a tenté de se suicider, épuisée par un mari qui refuse de lui accorder le divorce.
Même les personnalités publiques ne sont pas épargnées. Sur les réseaux sociaux, un TikTokeur populaire est accusé d’avoir battu sa femme.
Les cas s’enchaînent, les souffrances aussi, et la question reste la même : jusqu’à quand ?
Chaque femme victime de violence est une Nogaye Thiam en puissance. Chaque silence est une épitaphe anticipée. Le cas de Nogaye Thiam doit être un électrochoc national. Il doit réveiller les consciences, détruire les tabous, forcer les institutions, les familles et les communautés à assumer leur rôle.
Les femmes ne sont pas des objets qu’on casse, qu’on corrige ou qu’on réduit au silence. Elles ne sont pas des marchandises qu’on possède. Elles ne sont pas des esclaves émotionnelles piégées dans des foyers toxiques. Elles sont des vies. Dafa doy (Ça suffit).
L’amour n’est pas une arme. Le mariage n’est pas une cage. La promesse « pour le meilleur et pour le pire » n’autorise ni les coups, ni les insultes, ni la torture. Aimer oui, mais pas s’effacer. Construire un foyer oui, mais pas au prix de sa vie. La société doit choisir : Protéger ses femmes ou les pleurer. Il n’y a plus de temps à perdre. L'heure nous appelle à l'action pour mettre un terme aux violences. Free Women.
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