Seneweb lance une nouvelle rubrique intitulée Le Match, où nous confrontons les figures marquantes de la scène culturelle, politique, sportive sénégalaise. Pour ce premier numéro, focus sur deux artistes qui font vibrer le public : Wally Seck et Amadeus. Qui d’entre eux domine actuellement la scène musicale sénégalaise ? Pour trancher, Seneweb a recueilli les avis de spécialistes : le parolier et consultant culturel Guissé Pêne, l’artiste et producteur Michael Soumah, le président de l’Association nationale de la presse culturelle du Sénégal, Alioune Badara Mané, et le compositeur et chanteur El Maestro le Kangham.
L’industrie musicale sénégalaise connaît une évolution remarquable ces dernières années. Deux artistes, Wally Seck et Amadeus, captent particulièrement l’attention avec leurs tubes à succès, au grand bonheur des mélomanes. Bien qu’ils évoluent dans des registres différents, leurs fans respectifs revendiquent la suprématie de leur idole. Mais qui domine réellement la scène ? Voici l’analyse des experts.
Alioune Badara Mané : une musique agressive et populaire
Pour le journaliste culturel Alioune Badara Mané, « la musique est l'art de combiner les sons d'une manière agréable à l'oreille. Aujourd’hui, au Sénégal, nous assistons à une vague de musiques dites agressives, portées par des artistes comme Viviane, Amadeus, Mia Guissé ou Wally Seck. Leur style, marqué par une forte présence locale, plaît particulièrement aux jeunes. C’est une musique de propagande, adoubée par un public large mais souvent peu connaisseur, contrairement à d’autres genres qui s’exportent au-delà des frontières. »
Mané souligne l’émergence de nouvelles sonorités comme l’afrobeat et le Djolofbeat, qui offrent aux artistes sénégalais une marge de manœuvre sur la scène internationale. « Ces mutations témoignent de la vitalité de la musique sénégalaise, qui s’adapte aux tendances tout en restant ancrée dans ses racines », explique-t-il.
Guissé Pène : Wally Seck, catalyseur de modernité ; Amadeus, poète du renouveau
Wally Seck et Amadeus incarnent chacun un souffle nouveau, mais avec des approches distinctes. Selon Guissé Pêne, Wally Seck est « le catalyseur de la modernité populaire ». Il représente la jeunesse sénégalaise contemporaine avec son style vestimentaire soigné, sa présence scénique magnétique et une musique accessible. Amadeus, quant à lui, est « un poète du renouveau sonore ». Sa voix profonde et lyrique, alliée à une écriture ancrée dans la culture wolof et les valeurs africaines, le distingue.
Pêne compare également les genres musicaux. Le mbalax, dont Wally Seck est un ambassadeur, est une musique enracinée dans les traditions sérères et wolofs, porteuse d’une identité ethnique forte. En revanche, les musiques numériques comme l’amapiano ou l’afrobeats, dans lesquelles s’inscrit Amadeus, sont des musiques de flux, axées sur l’instantanéité globale. « Le mbalax puise dans la mémoire collective, tandis que les musiques numériques captent l’énergie du moment. Les deux coexistent et parfois se croisent, reflétant une scène musicale sénégalaise en pleine mutation », analyse-t-il.
Pene conclut : « Les musiques numériques et live offrent des expériences différentes. Écouter un morceau en numérique, c’est comme admirer une photo d’un paysage. L’écouter en live, c’est y être, ressentir l’émotion brute. Wally Seck et Amadeus font rayonner la musique sénégalaise, chacun à leur manière. »
Alioune Badara Mané : Wally Seck en tête, mais Amadeus impressionne
Interrogé sur celui qui domine la scène, Alioune Badara Mané insiste sur l’importance des chiffres et des performances techniques. « Wally Seck bénéficie d’une discographie riche et variée, soutenue par un orchestre solide, Raam Daan, qui lui confère une maturité musicale. Son dernier album, “Entre nous”, marque une nouvelle direction artistique qui a renforcé son statut auprès de la critique nationale. »
Amadeus, en revanche, a émergé « de nulle part avec un talent brut ». Malgré une forte présence, sa musique se concentre principalement sur le thème de l’amour, comme beaucoup d’artistes de sa génération. « Amadeus excelle par sa dextérité et sa maîtrise du wolof académique. Ses textes, notamment dans l’album “Terroir”, sont plus profonds et ancrés dans les histoires et légendes sénégalaises. Wally Seck, lui, propose des textes plus accessibles, mais parfois moins recherchés à cause de refrains simplistes », explique Mané.
El Maestro le Kangham : Wally Seck garde une avance
Pour le compositeur et producteur El Maestro le Kangham, « Wally Seck garde une nette avance sur Amadeus, qui ne s’est fait remarquer que récemment. Amadeus s’est construit seul grâce à son talent, mais il est encore en phase d’ascension. En termes de chiffres et de visibilité, la comparaison reste difficile. »
Côté textes, El Maestro loue l’originalité d’Amadeus, inspiré par des voix féminines emblématiques comme Kiné Lam ou Fatou Guewel. « Vivant entre Saint-Louis et Richard-Toll, Amadeus maîtrise parfaitement le wolof dans toutes ses nuances. Wally Seck, lui, bénéficie de l’expérience de son groupe Raam Daan, ce qui se ressent dans la maturité de ses arrangements musicaux. »
Michael Soumah : une question d’expérience et de style
Pour Michael Soumah, artiste, animateur et producteur, Wally Seck a un avantage certain grâce à l’héritage de son père, Thione Seck, qui l’a coaché dès son plus jeune âge. « Wally a bénéficié d’une aura unique et d’une expérience précoce, ce qui a consolidé sa carrière. Amadeus, lui, connaît une ascension fulgurante avec un style lover et une voix langoureuse qui séduisent le public, en particulier les jeunes. »
Soumah note également que Wally Seck a su tendre la main à la nouvelle génération en collaborant sur des singles, un geste qui renforce son influence. « Amadeus pourrait bénéficier de l’expérience de Wally pour accélérer sa carrière, comme Mia Guissé l’a fait avec Viviane. Leurs styles diffèrent, mais ils partagent une approche accessible avec des textes simples et des mélodies faciles à retenir, ce qui explique leur succès auprès du grand public. »
Wally Seck et Amadeus incarnent deux facettes de la musique sénégalaise moderne : l’un ancré dans le mbalax et la tradition, l’autre porté par des sonorités numériques et un lyrisme poétique. Si Wally Seck domine actuellement grâce à son expérience, sa visibilité et son orchestre, Amadeus s’impose comme une étoile montante avec un potentiel indéniable. Pour les spécialistes, les deux artistes font rayonner le Sénégal, chacun dans son registre. Le match reste ouvert, et l’avenir promet de belles surprises.
Auteur: Fatimata Diop Ba
Publié le: Mercredi 16 Juillet 2025
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