Au premier trimestre 2025, le chiffre d’affaires de l’industrie sénégalaise a bondi de 22,7 % par rapport à la même période en 2024. Cette hausse impressionnante est tirée par deux moteurs puissants : l’entrée en exploitation des gisements pétroliers, et l’essor des industries extractives, dont l’activité a progressé de plus de 73 %. L’économie sénégalaise entre dans une nouvelle phase, marquée par le poids croissant des ressources naturelles dans la dynamique industrielle nationale.
Mais cette embellie reste partielle. Derrière la performance globale, le secteur manufacturier recule légèrement, pénalisé par la baisse des ventes agroalimentaires et du coton. Cette divergence révèle une reprise industrielle inégale, concentrée sur les segments capitalistiques, tandis que les chaînes de transformation, plus diffuses et structurantes, peinent à suivre.
Cette configuration confirme ce que les données du commerce extérieur indiquaient déjà en 2024 : la croissance industrielle repose sur quelques filières à forte valeur mais à base étroite. Le pétrole, l’or ou les produits raffinés ont porté les exportations à 3?909 milliards FCFA, en hausse de 21,3 %, mais le déficit commercial reste massif, atteignant 3?252 milliards FCFA. Le taux de couverture des importations par les exportations stagne à 54,6 %, illustrant la dépendance structurelle du pays à des produits qu’il ne fabrique pas lui-même.
Autrement dit, même dans un contexte de croissance, les fondations restent fragiles. L’industrie s’étoffe, mais sans encore irriguer suffisamment le tissu économique national. Le raffinage progresse, mais sans toujours tirer la chimie ou la logistique. Les extractions avancent, sans structurer une véritable chaîne locale de valeur.
Face à ce constat, les projets structurants comme SAR 2 ou Gas to Power peuvent jouer un rôle pivot. En abaissant la facture énergétique, ils peuvent alléger les coûts de production, offrir des débouchés à des fournisseurs locaux, et créer un effet d’entraînement sur l’ensemble du système productif. Mais à condition que ces investissements soient pensés comme des leviers d’intégration industrielle, et non comme des enclaves capitalistiques déconnectées du tissu local.
La question centrale demeure celle de la diversification. Une industrie forte ne se résume pas à quelques segments dynamiques. Elle repose sur un écosystème articulé, où l’agroalimentaire, le textile, les matériaux de construction, les intrants agricoles, la pharmacie ou l’électronique trouvent leur place. Cela suppose de repenser les incitations, d’orienter le financement, de moderniser les outils de production, mais aussi, et peut-être surtout, de former les femmes et les hommes qui en porteront la montée en gamme.
Une croissance de 22,7 %, c’est une bonne nouvelle. Mais elle ne garantit pas encore un avenir productif. Pour cela, il faudra construire une industrie dense, connectée, apprenante, capable non seulement de croître, mais d’ancrer durablement le pays dans une trajectoire de transformation structurelle.
Auteur: AICHA FALL | Publié le: jeudi 24 juillet 2025
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