Je voudrais partager avec vous comment j’ai vécu cette tragique journée du 26 septembre 2002, qui a marqué un traumatisme collectif pour tout le peuple sénégalais.

J’étais seul à Sédhiou, ma famille étant partie en vacances au village. Le soir, après 21 heures, je suis allé dîner au restaurant de Diop Toucouleur, situé en face de la Poste. À ma sortie, vers 22 heures, un vent si violent s’est brusquement levé que j’ai dû me réfugier contre le mur de la Poste pour attendre qu’il s’estompe, avant de rentrer chez moi. Peu après, une forte pluie s’est abattue sur la ville.

À 4 heures du matin, j’ai reçu un appel de mon ami Diedhiou, qui travaillait à la RTS Dakar :

— Inspecteur, êtes-vous au courant de la triste nouvelle ?

— Quelle nouvelle ?

— Le bateau Le Joola a sombré au large de la Gambie.

Sous le choc, je me suis levé et j’ai aussitôt cherché à capter Sud FM Ziguinchor. J’y ai entendu des cris de détresse et des pleurs. Quand j’ai allumé la télévision, les images montraient des foules désespérées attendant en vain le retour de leurs proches. L’horreur.

La stupeur. Et une seule question : comment cela a-t-il pu arriver ?

J’avais perdu ce jour-là plusieurs connaissances familières : Vieux Diatta, enseignant à Diattacounda, qui était venu me saluer la veille avec sa fille avant d’embarquer ; Alphonse Sambou du CETF, un jeune enseignant dynamique et plein de promesses ; ainsi qu’un Principal qui venait d’être nommé et ne rejoindra jamais son nouveau poste.

Depuis, huit fois sur dix, lorsque je regarde la mer, je pense au naufrage.

Que Dieu pardonne à toutes les victimes et les accueille dans Son Paradis. Que surtout le Mémorial du Joola résonne toujours des voix de ces disparus, pour nous rappeler à nos exigences de citoyens : afin que plus jamais ça dans notre pays.

Jumma Moubarak.