Scrabble : Guy Marius Sagna interpelle l'État sur les champions qui brillent dans l’indifférence
Il y a quelques semaines, une photo du Président de la République Bassirou Diomaye Faye, jouant au Scrabble, avait suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. Si l’image avait amusé certains, elle avait aussi ravivé un débat: celui de la place du Scrabble dans le paysage sportif sénégalais. Un sport de l’esprit qui offre pourtant au Sénégal certains de ses plus grands titres mondiaux dans un silence presque total des autorités.
Des champions laissés à eux-mêmes
Le Sénégal compte parmi les nations les plus titrées au monde dans cette discipline. À ce jour, la Fédération sénégalaise de Scrabble totalise près d’une cinquantaine de distinctions mondiales, sans compter celles glanées lors des festivals internationaux. Ces succès obtenus souvent sans soutien financier de l’État, témoignent du dévouement de joueurs passionnés qui portent haut le flambeau national.
Parmi ces figures emblématiques, une légende : Ndongo Samba Sylla. Véritable monument du Scrabble francophone, il est champion du monde Blitz (2002), triple champion du monde en Paires (2000, 2007, 2016), vice-champion du monde Élite (2019) et premier champion du monde non-européen (2000). Un palmarès qui ferait rêver n’importe quelle fédération sportive.
Une interpellation au gouvernement
Constatant ce paradoxe, le député Guy Marius Sagna a adressé une question écrite au Premier ministre Ousmane Sonko interpellant le gouvernement sur le sort réservé à la Fédération sénégalaise de Scrabble.
Dans sa correspondance, l'élu du peuple rappelle que les joueurs sénégalais, lors des 53ᵉ Championnats du monde de Scrabble tenus à Trois-Rivières (Canada) en juillet 2025 n’ont bénéficié d’aucune prise en charge de la part de l’État. "Quel don de soi "écrit-il, saluant le courage et le patriotisme de ces athlètes oubliés.
Guy Marius Sagna pose plusieurs questions à la ministre des Sports de savoir «quel budget a été accordé au Scrabble en 2024 et 2025 ? Quelle enveloppe est prévue pour 2026? Quelle politique le ministère compte-t-il adopter pour renforcer cette discipline? Une collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale est-elle envisagée pour intégrer le Scrabble à l’école ? ».
Le Scrabble, miroir des “fédérations oubliées”
À travers ce plaidoyer, le député met également en lumière une problématique plus large : celle des fédérations sportives dites “parents pauvres” du sport sénégalais souvent éclipsées par le football. Le Scrabble, malgré ses résultats exceptionnels symbolise cette inégalité criante dans le traitement des disciplines sportives au Sénégal.
« Le gouvernement leur a donné trop peu », souligne Guy Marius Sagna appelant à une véritable politique de rupture en faveur de ces champions qui sans moyens continuent de hisser le Sénégal au sommet des podiums mondiaux.
Commentaires (5)
Maintenant le rebelle qui montait sur les tables du parlement nous parle de scrabble !
Respect aux champions de scrabble. Mais l’inégalité de traitement evoquée n’a rien d’injuste, pas plus qu’il n’est injuste qu’un karatéka gagne moins qu’un joueur de NBA. La notoriété et la ferveur populaire ne sont pas les memes. Ce n’est pas parce qu’un groupe cree une federation et organise des competitions que son activité devient automatiquement un sport. Le scrabble n’est pas plus un sport que la musique, l'archetecture ou la littérature ne le sont, même lorsqu'elles sont pratiquées en compétition.
Choisir une activité de niche, peu rentable, avec peu d’adherents, une faible ferveur populaire, peu de visibilité, peu de competiteurs, implique logiquement moins de soutien. C’est une réalité dans tous les domaines. Percer dans le football est statistiquement mille fois plus difficile : la concurrence y est mondiale, la sélection extrême.
Le football ou le basket sont des spectacles, des divertissements de masse. Le Scrabble, non. C’est cette capacite à captiver les foules qui attire sponsors, argent et notorieté. Ce sont les marques qui financent les activites médiatisees, quelles qu’elles soient, parce qu’elles y trouvent une vitrine puissante pour faire connaître leurs produits. Or, si je t’offre une vitrine, il est normal que tu me remunères. Le foot offre une vitrine a notre pays, le scrabble presque pas.
On ne peut pas demander un même traitement pour tous les Sénégalais champions en quelque chose. Le retour sur investissement, en terme de fierté, en terme d'impact économique et d'image pour le pays n'est pas le même. La passion des Sénégalais n'est pas aussi la même. La victoire du Sénégal à la CAN a fait descendre des millions de personnes dans la rue. Meme à 2h du matin, un simple match amical de l’équipe nationale sera suivi par des centaines de milliers de Sénégalais au Sénégal et partout dans le monde. A l’inverse, un championnat du monde de scrabble, meme gagné par un Senegalais, ne fera sortir personne dans les rues.
En 2002, jeune étudiant, j'entre dans un clinique universitaire, un professeur qui me recoit pour la premiere fois, voyant que je m'appelle Pape, me parle aussitot de son admiration pour Pape Bouba Diop et de son but contre la France en Coupe du Monde. Un Namibien vivant dans ce même pays étranger me dit avoir pleuré lors de la défaite du Sénégal contre la Turquie en quart de finale. Voilà ce que le foot peut faire.
Le football génère des milliards, crée des emplois, vend une image forte du Sénégal au monde. Sadio Mané est connu jusqu’en Irak, en Corée du Nord et peut-être en Afganistan. En face, combien rapporte le scrabble ? Qui connaît nos champions, même en Gambie ? On ne peut donc pas attendre le meme traitement. En dehors d’une reconnaissance symbolique, une médaille dans l'Ordre National du Lion, un hommage, le respect, et promouvoir cette activité, qui est une occupation saine, en créant des lieux de jeux pour les jeunes et les moins jeunes on ne doit pas faire plus. Nos ressources sont limitées et un pays doit hiérarchiser ses investissements en matières de sport, de culture et de loisirs.
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