Souleymane Aliou Diallo: «Au Sénégal, l’absence d’une loi organique sur la migration ouvre la voie aux dérives »
Invité du "Jury du dimanche" sur iRadio, le consultant en migration et président de l’ONG Autra-Afrique, Souleymane Aliou Diallo a pointé du doigt la gestion de la migration irrégulière par l’État du Sénégal et ses voisins. Selon lui, malgré les efforts de surveillance maritime, les départs de pirogues vers l’Europe se poursuivent, entraînant drames et pertes humaines. Il déplore le manque de volonté politique : « Depuis 25 ans de drames, jamais les chefs d’État de la sous-région ne se sont assis pour discuter spécifiquement de la migration. Macky Sall, durant tout son mandat, n’a jamais convoqué une telle rencontre », dit-il. Avant de souligner aussi une lacune majeure au niveau national. « Au Sénégal, il n’y a pas de loi organique sur la migration. Tout ce qui n’est pas encadré par la loi ouvre la voie aux dérives ».
Pour M. Diallo, la réponse doit aller au-delà de la dissuasion. Il faut adopter une loi nationale sur la migration afin d’encadrer le secteur, renforcer la coopération régionale entre États africains, accélérer le traitement des visas, citant l’exemple du consulat de France où plus de 1 500 passeports sont bloqués, mettre en place une structure étatique d’accompagnement à la migration légale, notamment pour la migration saisonnière. « Le Maroc envoie chaque année 40 000 saisonniers en Espagne. Le Sénégal peut atteindre au moins 20 000, s’il encadre ce programme » précise l’invité
Migration et emploi : la nécessité d’alternatives
Diallo a également insisté sur le rôle de l’emploi et de la formation. Selon lui, « On ne peut pas dire aux jeunes de ne pas voyager sans leur donner d’alternatives. La migration peut être un vecteur de développement économique, social et culturel ». Il a salué certains programmes comme le 3FPT (fonds de formation professionnelle) et la SONAGED pour l’insertion des jeunes dans des métiers valorisants, tout en appelant à davantage de moyens.
Par ailleurs, il a rappelé que les départs ne se font plus uniquement depuis Dakar ou Mbour, mais que les passeurs exploitent désormais les côtes gambiennes et guinéennes. « Si le Sénégal surveille ses côtes, mais que les pays voisins n’ont pas le même dispositif, c’est peine perdue. Cela ne fait qu’attiser de nouveaux drames, comme celui que nous avons vécu en Mauritanie », clame-t-il. Et de citer le cas récent d’une embarcation partie de Gambie avec 144 migrants ouest-africains, dont 44 corps ont été repêchés et 17 survivants recensés.
Enfin, il a plaidé pour une meilleure prise en charge des Sénégalais de la diaspora, qu’ils soient réguliers ou non. « Il faut un recensement systématique des citoyens à l’étranger, une facilitation de l’accès aux documents administratifs, et une coopération renforcée avec les associations », explique M. Diallo.
Concernant les difficultés liées aux visas, il appelle l’État du Sénégal à faire respecter les règles du jeu. « On ne peut pas dire aux jeunes de ne pas prendre la mer alors que, pour prendre l’avion, c’est la croix et la bannière », a-t-il conclu.
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