Sont-ils vraiment conscients de la valeur des œuvres musicales guinéennes, celles qui ont traversé le temps et demeurent inoxydables ?

La question mérite d’être posée, au vu de l’engouement récent de nombreux jeunes artistes qui se distinguent désormais par la reprise des grands classiques, emboîtant les pas de leurs illustres prédécesseurs.

Ils sont de plus en plus nombreux à revisiter les tubes de notre glorieux patrimoine musical, les adaptant à l’air du temps. Ces reprises, souvent modernisées, deviennent virales sur les réseaux sociaux, propulsant leurs auteurs sous les projecteurs tout en reconnectant la jeunesse à ses racines.

Le retour aux sources musicales

Des artistes déjà confirmés s’inspirent aujourd’hui des rythmes et sonorités traditionnels guinéens, jadis portés par des orchestres légendaires. Les albums des années d’or, savamment orchestrés, servent désormais de repères et d’inspiration à cette nouvelle génération.

Mais la question demeure : qu’est-ce qui motive réellement ces jeunes à revenir vers une orientation longtemps délaissée ?

Certains affirment que les anciens rythmes seraient « dépassés ». Pourtant, malgré ces préjugés, les compositions des pionniers continuent de résonner avec la même intensité, prouvant que leur essence artistique demeure intacte.

Une dynamique à encourager

Cette vague de jeunes artistes décidés à revisiter et revaloriser les anciens airs est une initiative à saluer.

Le guitariste El Hadj Mohamed Kova Bavogui s’en félicite, tout en invitant à un travail plus approfondi sur la forme :

« C’est une bonne idée de revenir à la source, mais il faut aller plus loin dans le choix des instruments appropriés et originaux. Le lead vocal peut coller, mais les jeunes devraient collaborer avec des instrumentistes capables d’assurer les interprétations. Les boîtes à rythmes tuent souvent l’authenticité. L’utilisation d’instruments traditionnels — congas, balafon, castagnettes, tunnè, flûte pastorale — redonnerait toute son âme à nos musiques. »

Revaloriser les classiques : un enjeu culturel majeur

Cette démarche n’est qu’un début. Il est temps que managers, producteurs et acteurs culturels s’y intéressent davantage.

Promouvoir la reprise des classiques guinéens permettrait aux jeunes artistes de s’imprégner de l’authenticité et du génie créatif des anciens.

Des festivals dédiés ou des concours nationaux récompensant les meilleures réinterprétations des grandes œuvres du passé seraient une formidable opportunité pour raviver la fierté culturelle guinéenne.

Exemples emblématiques : de Baldé Sadio à Soul Bang’s

Le titre « Dyéré Lèrè » de feu Baldé Sadio illustre parfaitement ce renouveau. Bien avant la version audacieuse de Soul Bang’s, ce morceau avait déjà connu plusieurs reprises, notamment par Rizo Bangoura ou encore Gilmar Diallo du Kolima Jazz.

Mais c’est l’arrangement moderne et la mise en scène raffinée de Soul Bang’s qui ont donné une nouvelle vie à ce chef-d’œuvre intemporel.

La complicité artistique n’est pas en reste : Manamba Kanté avait ouvert la voie avec sa reprise du légendaire « Bhouloun Dyouri » de Hadja Binta Laly Sow, notre Mama nationale. Malgré les controverses, le succès fut immédiat, confirmant que le public reste profondément attaché à ces sonorités d’antan.

Préserver l’identité musicale guinéenne

Ils sont aujourd’hui nombreux à refuser les influences étrangères et à renouer avec leur identité musicale.

S’inspirer d’autres cultures n’est pas une faute, mais préserver la sienne reste une marque d’honneur et de fierté.

La chanteuse Dyély Kaba Bintou, en collaboration avec Habib Fatako, en est un exemple éloquent. Leur titre « Ghuinho Yangai » — une réinterprétation moderne de feu Sékouba Fatako — résonne aujourd’hui dans toutes les maisons.

Un hommage vibrant qui prouve que la flamme de la musique guinéenne ne s’est jamais éteinte.