Le communiqué du conseil des ministres, exemple parfait d’un service public audiovisuel à la traîne
Le service public audiovisuel sénégalais est à la traîne par rapport à la marche du monde des médias. Et le communiqué du conseil des ministres en est l’illustration la plus parfaite. Mercredi dernier, il a fallu 8 mn à Adama Anouchka Ba, rien que pour lire les mesures individuelles consignées dans ce document faisant le résumé de la rencontre hebdomadaire entre le président de la République et le gouvernement. Et à la fin de cette lecture, la présentatrice Mariama Dramé ajoute : « Toutes nos excuses, ce soir il n’y aura pas de traditionnelle vidéo comme tous les mercredis ».
Depuis la présidence de Senghor à nos jours, c’est toujours le même rituel tous les mercredis. Le journal s’ouvre par une lecture parfois trop longue du communiqué du conseil des ministres. Et on se demande à quoi bon. A l’ère de la pluralité médiatique (pas forcément pluralisme), de l’internet et des réseaux sociaux, il est évident qu’il ne sert presque à rien de perdre plusieurs minutes à lire ce communiqué. Qu’est-ce qui empêche la Rts de prendre l’essentiel de ce document comme le font les médias privés ? Malheureusement ni la Rts, ni le gouvernement ne semblent convaincus de cette nécessité, puisque le communiqué qui, en principe devait être disponible bien avant dans la journée, est jalousement gardé jusqu’à 20h, rien que pour donner l’exclusivité à la télévision publique. Des pratiques d’un autre âge !
« Le temps est une denrée extrêmement rare à la télévision », disait Pierre Bourdieu. C’est ce qui fait qu'une minute de spot publicitaire coûte beaucoup d’argent. Mais à la Rts, on semble souvent dire le contraire, surtout au journal de 20h. Des extraits trop longs sont diffusés, parfois sans aucune valeur informative. C’est le cas lors des déplacements du chef de l’État à l’intérieur du pays. Debout dans sa voiture décapotable, il prend son bain de foule. Et c’est devenu un rituel. Ça arrive aussi lors de certains événements passés en direct. Le convoi présidentiel est filmé de son point de départ au palais jusqu’à son arrivée à destination. On perd ainsi de précieuses minutes pour diffuser des séquences qui n’apportent aucune information aux téléspectateurs.
Il est peut-être temps pour la Rts de faire sa rétrospective, de s’interroger sur sa mission dans le contexte actuel de transformation du champ médiatique. Ça permettrait d’améliorer son contenu et de se libérer de certaines contraintes qu’elle s’est imposées. Ce sera sans doute l’occasion pour la Rts de comprendre que le service public de l’audiovisuel, ce n’est pas uniquement montrer le chef de l’Etat, son PM et ses ministres.
Un ancien journaliste de la Rts raconte que le 7 février 1986, la rédaction a appris le décès du Pr Cheikh Anta Diop. Le même jour, le président Abdou Diouf revenait d’un voyage. En réunion de rédaction, le débat s’était posé pour savoir s’il fallait ouvrir le journal par la mort de l’éminent scientifique ou par le simple retour de voyage du chef de l’État. Finalement, le compromis qui a été trouvé était de recueillir la réaction de Diouf pour passer les deux informations en même temps. Et la formule qui a été trouvée consistait à dire : de retour de voyage, le président de la République a appris le décès du Pr Cheikh Anta Diop, voici sa réaction à sa descente d’avion.
Cette anecdote résume à elle seule la conception que la Rts peut avoir du service public de l’audiovisuel. Il y a une surexposition du chef de l’État au détriment de questions importantes pour la marche du pays. Ce qui fait que presque tous les évènements présidés par le chef de l’État sont diffusés en direct. Or, la chaîne Youtube de la Rts suffit largement ou alors on cherche une autre fréquence (ou canal avec la tnt) pour passer en direct ce genre d’activités. Il est donc plus que temps de repenser le service public de l’audiovisuel, le rôle de la Rts en particulier.
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